88                       RECHERCHES SUR MORE.
Pourceaugnac, Sganarelle ou Clitidas, le vert et le jaune se retrouvent dans ses costumes, lorsque le rôle le comporte. Dans les Facheux, on croyait que Molière faisait Éraste, l'a­mant d'Orphise qui est toujours en scène, attendant l'heure du rendez-vous, et qui est constamment dérangé par les im­portuns; l'inventaire rectifie cette erreur et prouve que Molière représentait plusieurs des interlocuteurs d'Éraste : un marquis, c'est- à-dire Lisandre le danseur, Alcandre le duel­liste ou Alcippe le joueur, et peut-être tous trois avec quelques modifications dans le costume ; puis Caritidès le correcteur d'enseignes et Dorante le chasseur, personnage ajouté à la co­médie par ordre de Louis XIV, et que Molière devait tenir à jouer lui-même. Toutes les œuvres de Molière ne sont pas mentionnées dans lnumération de ses costumes, mais il y a dans l'inventaire plusieurs habits de théâtre sans signation de rôles et dont il n'est pas impossible de reconnaître la des­tination. L'habit d'espagnol est évidemment celui du malheu­reux Don Garcie dont le nom même était oublié depuis 1661 ; les costumes antiques crits plus loin doivent être ceux de Moron dans la Princesse d'Élide et de Zéphyre dans Psyché. L'habit du dernier rôle de Molière, du Malade imaginaire, ne s'y trouve pas. Suivant une ancienne édition de cette comé­die, Argan doit étre vêtu en malade avec « de gros bas, des mules, un haut de chausses4troit, une camisole rouge avec quelque galon rouge ou dentelle, un mouchoir de cou à vieux passements, négligemment attaché, et un bonnet de nuit avec la coiffe àMentelle. » C'est en effet sous ce costume qu'Ar­gan est figuré dans la planche gravée en 1676 par Lepautre, et qui reproduit une représentation du Malade imaginaire donnée à Versailles le 19 juillet 1674, plus d'un an après la mort de Molière. Dans la gravure de P. Brisart qui accompagne l'édi­tion de 1682, Argan a également la camisole et non la robe de chambre. Aussi doit-on tenir pour très-suspecte l'anecdote racontée par le président Hénault dans ses Mémoires1:
1. Publiés par son arrière-neveu M. le baron de Vigan, 1855, in-, page 5.